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Pour commencer, voici le récapitulatif des liens de tous les articles de ce blog :

Introduction :

Après 1an de vie à Santiago du Chili, je rentre au bercail ! Durant ce séjour, j’ai pu apprécier la difficulté d’adaptation que l’on peut ressentir lorsque l’on intègre un autre corps de pompiers, qui plus est dans un autre pays.

Des débuts difficiles :

La Pompe France « del Cuerpo de Bomberos de Santiago » (CBS) m’a accueilli après un parcours administratif long et pesant. Apprendre l’Espagnol, économiser, s’acquitter de toutes les démarches administratives, tenter d’obtenir un visa, quitter sa famille et ses amis, jusqu’à intégrer la 4ème compagnie furent des obstacles de tailles.

L’aide reçue du directeur et des autres contacts à distance, fut une lettre signée (apparemment difficile à obtenir) acceptant à titre « exceptionnel » de m’épauler pour l’obtention de mon visa, qui est arrivée dans mes mains quatre mois après, ce qui a retardé toutes mes démarches administratives en France. Je n’ai pu obtenir le visa avant, j’ai donc recommencé tout le parcours administratif au Chili.

Les difficultés rencontrées sur place n’ont pas été moindres…

La 4ème compagnie, Pompe France du Chili :

La Pompe France est un corps de pompiers composé de quatre centres de secours (la 4ème, à Santiago, 5ème, à Punta Arena, la 5ème, à Valparaiso et la 3ème Concepcion) faisant partie du Corps des Pompiers de Santiago. La 4ème compagnie est située en plein centre de Santiago où les interventions restent les plus intéressantes.

Les personnels sont tous bénévoles et doivent même payer 15 euros par mois pour exercer. La manière de travailler est basée essentiellement sur l’expérience. La compagnie prévoit environ un exercice (manœuvre ou cours théorique) par mois, pouvant être « évité » avec un « mot d’excuse » au Capitaine. La compétence des personnels est soutenue par l’activité opérationnelle qui est de l’ordre d'une à trois interventions par jour, sachant que les engins du centre de secours ne sortent que pour les motifs suivants : incendies, interventions chimiques, accidents de circulation, secours aux victimes dans des situations complexes.

Chaque caserne de la Pompe France est jumelée avec un corps de pompiers d’une région française, qu’il soit militaire ou professionnel. La 4ème compagnie est jumelée avec la Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris (BSPP). Le personnel perçoit donc de nombreux matériels (généralement anciens) de la Brigade. Forcément, à la 4, on est fier de la culture de la France et de la Brigade, mais seulement dans certains domaines : matériels, l’uniforme et la « discipline. »

Le centre de secours est plus ou moins un club social où les intéressés postulent avant tout pour vivre une aventure humaine, comme on pourrait le faire, par exemple, en adhérent à une association culturelle. Pour intégrer la 4ème compagnie, pas de tests sportifs, pas d’examens, pas d’obligations de diplômes ou de quelconques compétences. Le postulant doit démontrer sa motivation et son « goût pour la culture française. »

Ainsi il n’est pas rare que des personnes à surcharge pondérale élevée et n’ayant que peu de connaissances techniques, soient engagées comme pompier. A cette dernière problématique il m’a été répondu à plusieurs reprises que le métier s’apprenait sur le terrain et qu’on ne pouvait pas obliger les personnels à savoir des choses et à se maintenir physiquement prêt, étant donné qu’ils étaient volontaires (bénévoles).

Ce à quoi je répondais qu'un incendie est le même pour tous ; peu importe les compétences des personnels présents sur les lieux... Autant être préparé. On comprendra donc qu’un feu d’appartement avec de nombreuses victimes aux fenêtres sera presque identique en France qu’au Chili, où les immeubles sont tout aussi sophistiqués.

La vie interne au centre de secours n’est quasiment basée que sur les rapports sociaux interpersonnels. Les gradés sont élus chaque année et les rôles de chacun créent de fortes polémiques au sein de la compagnie. Ici, le grade et les connaissances sont des armes permettant de se distinguer.

C’est ainsi que des personnels, très intelligents et compétents, ne partagent que très peu leur savoir avec les autres personnels, ceci afin de garder une position supérieure par rapport à ses autres collègues. Quand les connaissances sont partagées, c’est à coup de « c’est comme ça et pas autrement » que sont distribuées les informations et la moindre remarque ou proposition allant à l'encontre provoque généralement une réponse fermée.

Une ambiance pesante de « messes basses » règne en permanence. Certains personnels on même un gout aiguisé pour développer des situations en amenant leurs collègues devant le conseil de discipline.

Dans la garde nocturne il est presque impossible de dormir en silence avant 3 heures du matin et les personnels se levant très tôt ne voient aucun inconvénient au fait de réveiller les autres en parlant et en chantonnant… Les effets personnels sont utilisés sans avoir demandé préalablement la permission et des vols réguliers ont lieu.

Une bonne image en « permanence : »

La bonne image du centre de secours est constamment maintenue par le directeur et le capitaine et toutes critiques nuisant à celle-ci sont sévèrement réprimandées. Ainsi je me suis vu suspendu le droit de publier mon ancien blog (http://bomberitodelacuarta.blogspot.com).

Le rangement de la garde nocturne (par exemple) n’est effectué réellement qu’avant un événement particulier (un banquet ou encore la visite d’une personnalité) et les travaux nécessaires ne sont fait qu’en cas d’extrême nécessité : la venue du Général de la BSPP, par exemple, a débloqué des travaux qui étaient « en attente » depuis des années…

Un goût aiguisé pour le nouveau matériel :

Les améliorations au sein de la 4ème sont notables essentiellement au sujet de la perception de nouveaux matériels. Nouveaux camions rouge et jaune, lances « queue de paon » et autres engins fantaisistes, sont les sujets principaux des « avancées » de la Cuarta et on aime comparer notre matériel à celui des autres centres de secours.

Cependant, les lances utilisées tous les mois pour éteindre les incendies sont totalement réformées, et les divisions que l’on utilise à chaque fois ne se ferment que partiellement (obligé d’y raccorder une lance pour bloquer la fuite).

Une autre profession pour vivre :

Étant donné que je ne bénéficiais d’aucune aide financière et que je devais payer la compagnie pour être pompier, j’ai du travailler... Professeur de Français à été le métier qui m’a permis de « subsister » durant huit mois. Malgré mon acharnement à postuler pour divers emplois, il semblerait qu’il soit assez dur pour un Français d’obtenir un job correct au Chili…

Documentation et échanges :

Avant mon séjour, je me suis procuré la dernière documentation de la BSPP avec la précieuse aide du Général et de ses adjoints qui m’ont vraiment facilité le travail (et pour bien d’autres démarches) afin de mettre en place des échanges de documentations à la 4ème, sans bien sûr croire que j’allais tout changer, car mon objectif n’était surtout pas d’arriver en tant que « super pompier français » qui savait tout.

Malheureusement, sur place la réalité fut toute autre ; il n’y a eu aucun échange malgré mes nombreuses tentatives de communication. J’ai créé une fiche de retours d’expériences traduite en Espagnol, j’ai présenté un projet de révision du sac d’attaque, j’ai rédigé un « devoir du porte-lance » personnalisé et commencé une documentation technique s’inspirant du savoir-faire brigade et d’autre corps de pompiers dans le monde (allemands, suédois, anglais, etc.). Ces projets ont nécessité plusieurs mois de travail en contact avec des collègues provenant de divers centre de secours. La communauté de Flashover.fr a été particulièrement présente pour me soutenir.

Malgré la simplicité des démarches d’acceptation de ces documents, aucun de ces projets n’a pu voir le jour. Très insignifiant a été le nombre de « Cuartinos » (personnels de la 4ème) étant venu vers moi pour échanger des sujets techniques.

Ainsi, peu à peu, ma foi pour le travail de recherche s’est éteinte…

Une expérience hors du commun :

Bien que mes impressions puissent donner à croire que j’emporte avec moi des sensations très négatives de ce séjour, je pense que l’expérience que j’ai vécu est exceptionnelle et je reste plus que satisfait de mon expérience au sein de 4ème compagnie d’incendie de Santiago du Chili !

D’un point de vue opérationnel, j’ai vécu des interventions que probablement je ne revivrai pas : incendies colossaux à profusion, interventions particulières très intéressantes, moments « post-tremblements de terre et Tsunami » uniques et une manière de travailler totalement différente.

Comme j’ai pu l’expliquer au fil de mes articles, nombreux sont les éléments opérationnels qui sont « réutilisables » dans le travail européen. Au Chili peu de conduites à tenir font l’objet de règlements officiels, ce qui donne une grande liberté de recherche sur le terrain, autant dire que de nombreuses expérimentations sont possibles.

Du point de vue humain, j’ai dû m’adapter à une autre mentalité, ce qui fut parfois extrêmement difficile. J’aurais voulu avoir les capacités mentales suffisantes pour m’intégrer correctement à la mentalité du centre de secours, mais malheureusement, j’ai en grande partie échoué.

Le problème vient de moi et je pense qu’une autre personne aurait probablement pu s’insérer beaucoup mieux que je ne l’ai fait… Cependant cet échec n’est pas une défaite et demeure une expérience qui m’a permis d’améliorer certaines qualités. La patience et la tolérance, qui étaient avant des points faibles et sont à présent pour moi des « constantes » relativement gérables.

Des hommes bons au CBS :

Après avoir travaillé avec plusieurs compagnies différentes et fait un tour des casernes, j’ai pu m’apercevoir combien l’enjeu social était quelque chose de fort. J’ai été très bien accueilli et les fiestas auxquelles j’ai été invité m’ont laissé entrevoir une puissante fratrie au sein de toutes les compagnies que j’ai pu visiter.

En clair, les « Bomberos » de Santiago adorent se rassembler pour fêter leur amitié. L’envie de partager des aventures humaines fortes est omniprésente et on ne manque pas l’occasion d’organiser « un asado rico » (un délicieux barbecue) pour exprimer ce sentiment.

Cette bonne ambiance à « couper le souffle » est, pour ma part, à dissocier totalement du contexte du quotidien de la vie au centre de secours, même si elle en fait partie…

Conclusions plus que positives :

Tout ce que j’ai pu rédiger dans cet article n’est que mon avis personnel et il aurait été fort probable qu’une autre personne l’eût vécu autrement.

Hormis les impressions négatives que j’ai eues du point de vue de la mentalité d’apparence de la compagnie, mon opinion reste encensée par la joie d’avoir pu partager tous ces moments avec une autre catégorie de pompiers. L’expérience que j’ai pu vivre est unique et je ne la regretterai jamais !

J’ai la sensation d’avoir une vision beaucoup plus large de se qui m’entoure et de la chance que j’ai pu avoir en intégrant la BSPP, ainsi que celle d’être Français.

Merci la Pompe France et merci la 4ème compagnie d’incendie de Santiago.



Christophe.